Non, je ne suis pas une trouillarde ☸ Iaéra

Astéria courrait aussi vite que ses jambes lui permettaient. S'il avait été question de nager, elle n'aurait pas eu autant de difficultés à tenir le coup. Courir, c'était différent. Elle avait beau fouler la terre ferme depuis plus de dix ans maintenant, elle n'y passait pas énormément de temps. Encore moins à courir. Alors forcément, elle se fatiguait plus et plus vite. Pourtant, elle ne s'arrêtait pas. Elle ne le pouvait pas. Sortie de l'eau depuis deux ou trois heures, Astéria avait prévu de s'aventurer un peu dans la forêt pour s'y balader. Selon elle, c'était l'endroit idéal : calme et désert. Si Astéria n'avait rien contre la présence d'autres sirènes, elle ne voulait en aucun cas tomber sur n'importe quelle autre créature. Cette forêt, elle la connaissait presque par coeur. Avec la plage, c'était l'un des endroits qu'elle fréquentait le plus.

La sirène avait fini par s'arrêter un instant, grimpant à l'un des arbres qui se trouvait sur le chemin. Elle n'était pas la plus douée pour faire ça, mais c'était quelque chose qu'elle avait appris à faire depuis qu'elle montait à la surface et qu'elle aimait bien. Là-haut, c'était un peu comme dans l'océan, elle se sentait en sécurité, loin de ce qui rodait sur la terre. C'était ridicule, beaucoup de créatures ou d'animaux de cette forêt étaient capables de grimper aux arbres, mais ça la rassurait de croire qu'elle y était en sécurité. Une fois là-haut, Astéria en avait profité pour observer les alentours. C'était l'un des avantages de la surface. Le paysage y était si différent et magnifique, bien qu'effrayant parfois. Et cette fois-ci, ça avait été plutôt effrayant. En effet, la jeune femme avait commencé par entendre des bruits étranges et qu'elle n'arrivait pas à reconnaître non loin d'elle. Les bruits s'étaient alors rapprochés et malgré ses nombreux appels, personne ne s'était manifesté. La sirène n'avait rien vu non plus en observant, mais les bruits étaient toujours présents. Craignant la présence de créatures qui en avaient après elle ou d'animaux sauvages qui rodaient, Astéria n'avait mis que quelques secondes à se décider. Aussitôt, elle sauta donc de l'arbre en question et avait commencé cette course. Quelle idée de s'éloigner tant dans cette forêt, de tant s'y enfoncer !

Elle avait l'impression de courir depuis des heures et de ne pas se rapprocher de la plage. Elle se retournait de temps à autre, mais ne voyait rien. Sans doute n'y avait-il rien derrière elle qui la poursuivait, mais Astéria n'avait jamais été à l'aise à la surface alors la moindre chose l'effrayait, d'autant plus lorsqu'elle était seule. Finalement à bout de souffle, elle était obligée de se stopper un instant, s'appuyant contre un arbre pour reprendre son souffle et tenter d'observer derrière elle si elle voyait quelque chose. La sirène, ne voyant rien, tentait alors de se rassurer. Évidemment qu'il n'y avait personne derrière elle, si ça avait été le cas, on l'aurait sans doute rattrapé depuis longtemps. Elle n'était juste qu'une trouillarde !

Astéria réalisait à quel point cette petite sortie avait été stupide. Elle n'aimait pas la surface, ou en de rares occasions, pourtant elle y était allée. Seule. Elle préférait toujours se retrouver en compagnie de l'un de ses frères, l'une de ses soeurs ou n'importe quelle autre sirène. Parfois, pourtant, elle se décidait à se balader seule, ne s'éloignant que rarement de la plage sauf lorsqu'il fallait partir en quête d'une nouvelle proie. Sa peur se justifiait, notamment par ce qui venait de se passer. La terre n'était pas son territoire ou son lieu de vie naturel. Elle n'y était pas en sécurité, malgré les années passées. Ces bruits qu'elle avait entendu la rendaient si vulnérable. Sur terre, elle se sentait vulnérable. Faible. En danger. Ces bruits... Qu'était-ce ? Une autre créature qui en avait après elle ? Un animal dangereux ? Une mauvaise plaisanterie ? Ou simplement son imagination qui lui jouait des tours comme souvent lorsqu'elle était à la surface ? Elle n'en savait rien et elle n'avait pas franchement envie de savoir. Alors elle avait couru. Elle avait couru aussi vite et aussi longtemps que possible. A bout de souffle, elle avait fini par se stopper, se reposant contre un arbre pour reprendre sa respiration et chercher du regard le signe d'un quelconque danger.

Il n'y avait rien. Ou il ne semblait rien y avoir. Astéria n'en savait plus rien et elle ne voulait désormais plus qu'une chose : retourner, en sécurité, chez elle, sous l'océan. Alors qu'elle tentait de se raisonner, une voix l'interpella. Elle sursauta d'abord, se retournant lentement pour observer, avec méfiance. Rapidement, elle reconnut non seulement la silhouette de sa soeur, mais aussi sa voix. Elle soupira de soulagement. S'il y avait quoi que ce soit, elle ne serait désormais plus seule. A deux, elles étaient forcément plus fortes. L'aînée des deux s'approcha et Astéria remarqua une chose : l'inquiétude de Iaéra était évidente, tant dans sa voix que sur son visage. Astéria prit une seconde pour répondre à sa question, tentant de retrouver ses esprits et de se calmer, mais sa voix restait faible, essoufflée et toujours effrayée à l'idée que quelque chose puisse se cacher dans la forêt, à les écouter et les observer. « Je vais bien... C'est juste que... Je... Enfin, j'ai... » elle arrêta de parler une seconde, soufflant un bon coup, tentant de formuler une phrase correctement pour expliquer la situation à sa soeur. « Je me suis avancée un peu trop dans la forêt et j'ai entendu des bruits... étranges... J'ai eu peur alors j'ai couru sans m'arrêter jusqu'à n'en plus pouvoir... » Sa soeur allait peut-être trouver ça complètement stupide, à vrai dire, elle n'en savait rien. Elle ne réussissait pas à saisir pleinement Iaéra. Leur relation était particulière et un peu compliquée, parfois. Astéria y était pour beaucoup, mais il n'était pas facile de changer ça. Mais cela n'avait aucune importance pour le moment, la sirène étant trop heureuse d'avoir un visage connu face à elle après la peur qu'elle avait eu.

Astéria était si heureuse de voir un visage connu. Elle avait eu tellement peur. Elle racontait donc ce qui venait de lui arriver à Iaéra, ne pouvant s'empêcher de craindre que sa soeur ne se moque d'elle. Leur relation était particulière. Astéria n'arrivait pas à mettre de nom sur cette dernière, elle ne savait jamais comment sa soeur se comporterait avec elle, tout comme elle n'était jamais certaine du comportement qu'elle allait elle-même adopter. Alors, tout naturellement, elle craignait les moqueries de sa soeur, même si ce qu'elle venait de vivre ne l'amusait pas du tout. Peut-être en rirait-elle dans peu de temps, lorsqu'elle se rendrait compte qu'elle avait pris peur pour rien - comme souvent - mais pas pour le moment.

Astéria expliqua donc son histoire à sa soeur, qui semblait chercher un quelconque danger des yeux. Il était évident qu'elle n'allait pas se moquer puisque son visage trahissait clairement son inquiétude. Elle semblait si inquiète qu'elle la rassura par quelques mots avant de venir la serrer contre elle. Astéria, par réflexe, se crispa, surprise par ce geste affectueux. Pourtant, elle était heureuse de voir qu'elle comptait pour sa soeur. Il lui arrivait parfois d'en douter. Et, il fallait l'avouer, ce geste l'avait rassuré et lui avait fait beaucoup de bien. Pourtant, elle ne se détendit pas et Iaéra la lâcha bien vite, se rendant certainement compte que ce geste n'avait rien de naturel entre-elles. Astéria tentait de sourire pour rassurer sa soeur, même si ce n'était pas une chose facile, son coeur battant toujours très vite - même s'il s'était calmé - à cause de la peur et son visage trahissant toujours cette peur. Elle craignait toujours de voir un quelconque danger sortir de la forêt à tout moment. Elle craignait également, par la même occasion, d'avoir mis indirectement sa soeur en danger.

Sa soeur reprit alors la parole, conseillant qu'elles se rapprochent de l'eau afin d'être plus en sécurité, même si elles n'étaient pas obligées de retourner à Atlantide tout de suite. Astéria acquiesça d'un signe de tête dans un premier temps, reprenant presque aussitôt malgré tout : « Tu as raison, nous y serons plus en sécurité qu'ici. » souffla-t-elle, s'avançant vers la plage, restant bien proche de sa soeur pour se sentir le plus possible en sécurité. La sirène tentait de se rassurer en se disant qu'à deux, elles risquaient moins parce qu'elles étaient plus fortes. « Tu crois que nous risquons quelque chose ? » Astéria était connue dans sa famille pour sa peur de la surface et des autres créatures. Elle voyait le danger partout, alors cette question n'étonnerait sans doute pas sa soeur aînée. « Peut-être qu'on devrait prévenir quelqu'un pour s'assurer qu'il n'y a aucun danger ? » Elle craignait pour sa famille et pour les siens, son peuple. Elle craignait qu'un quelconque danger ne se cache réellement dans cette forêt et que si elle n'en parlait pas, elle les mettait en danger. Tout dans son attitude devait traduire sa peur, Astéria n'était pas vraiment bavarde et elle posait peu de questions, plus encore avec Iaéra.