La vengeance est un plat qui se mange sans sauce [PV Astéria Madsen]

Comme le faisait parfois Astéria lorsqu'elle ne travaillait pas, elle avait accompagné l'une de ses soeurs à Braedon. La sirène détestait quitter son territoire, mais elle aimait passer du temps avec ses frères et soeurs. Tous n'étaient pas aussi trouillards qu'elle, tous ne haïssaient pas autant les autres créatures qu'elle, alors elle se déplaçait parfois pour eux. Sa seule exception était Braedon. S'ils voulaient aller n'importe où ailleurs, Astéria refusait. Braedon était un lieu neutre, d'apparence du moins, un lieu où elle serait plus en sécurité que sur un territoire ennemi. Aujourd'hui faisait partie de ces jours où elle avait accompagné Nérina. Comme à leur habitude, les deux soeurs avaient fait la course sous l'Océan pour savoir laquelle arriverait la première puis elles avaient couru à travers la forêt, qui précédait le centre-ville de Braedon, toujours dans l'idée de déterminer laquelle était la plus rapide avec des jambes. Lorsque le monde commençait à arriver et que les deux soeurs se retrouvaient davantage en pleine ville, elles se calmèrent et avancèrent normalement, se fondant dans la foule. Astéria détestait cet instant. Elle détestait se retrouver au milieu de toutes ces créatures, vulnérables. Elle n'adressait la parole à personne, elle ne regardait personne, elle ne s'attardait nulle part. La sirène avançait simplement, le plus rapidement possible, aux côtés de sa soeur, les yeux baissés vers le sol.

Une fois Nérina déposée, le pire moment pour elle commençait. Elle se retrouvait seule. Seule face à toutes ces créatures dont elle ignorait tout, loin de son milieu naturel et de la sécurité qu'elle affectionnait tant. D'un pas rapide, la sirène se frayait un chemin pour retrouver la tranquillité et échapper au monde. Aussi rapidement qu'elle en avait été capable, la sirène avait atteint des espaces plus calmes, naturels, où le monde ne se retrouvait pas partout. Soulagée, elle s'avança alors à travers les arbres, ne ralentissant pas le pas pour autant. Astéria ne retrouvait sa véritable sécurité que sous l'Océan, là où personne ne pouvait lui faire de mal. Comme à chaque fois, elle avançait vite, mais observait les alentours. Elle aimait ces endroits différents de là où elle venait, elle n'aimait simplement pas les créatures qui les peuplaient.

Quelque chose, un bruit, arriva à ses oreilles. Elle avait l'impression que quelqu'un d'autre marchait non loin d'elle. Elle crut rêver un instant, s'inquiéta, tourna les yeux une seconde, mais ne remarqua rien. La sirène continua alors sa route, mais à mesure où elle avançait les bruits semblaient plus proches. Les battements de son coeur s’accélérèrent. Il y avait forcément quelqu'un, elle ne pouvait pas rêver. Ce quelqu'un en question était peut-être là par hasard, mais elle restait sur ses gardes, continuant d'avancer malgré tout. Peut-être arriverait-elle à rejoindre l'eau avant que cette personne n'arrive à ses côtés ?

Elle voulut continuer, mais il était certain que quelqu'un la suivait, elle. Ce n'était pas un hasard, elle le sentait, son instinct lui indiquait. Comme si quelque chose le lui avait soufflé, la sirène se retourna totalement et elle fit bien. En effet, elle avait raison depuis le départ, non seulement quelqu'un était là, mais quelqu'un était là pour elle. Sans trop savoir grâce à quel miracle, la sirène se jeta sur le côté pour éviter la flèche qui se dirigeait vers elle. Elle ignorait comment elle avait pu avoir ce réflexe, mais elle l'avait eu et elle ne voulait pas comprendre pourquoi ! Ce n'était nullement le bon moment pour analyser ça. Les yeux de la sirène rencontrèrent les yeux de l'autre créature. Il ne lui avait fallu que deux secondes pour le reconnaître. Cette créature, c'était un elfe qu'elle avait attaqué quelques semaines plus tôt. Elle avait dû fuir avant de l'affaiblir comme elle l'aurait voulu. Jamais elle n'avait imaginé qu'elle le recroiserait... Et pourtant. Il était là, prêt à chercher et obtenir sa vengeance. Clairement la sirène n'était pas avantagée. Elle n'était pas dans un milieu familier, elle n'avait plus l’élément de surprise, elle était loin de l'eau. Les chances ne paraissaient pas être de son côté. D'autant que les sirènes n'avaient aucun véritable pouvoir pour blesser ou faire fuir. Son seul pouvoir était celui d'ensorceler pour quelques minutes et il ne fonctionnait même pas à tout les coups. Il y avait bien celui d'aspirer son énergie, mais pour cela, encore faudrait-il qu'elle puisse s'en approcher et le toucher. Autant dire que c'était mission impossible. Pourtant, elle n'avait d'autres choix que de l'affronter, malgré les désavantages qu'elle notait, malgré la peur qui l'envahissait comme à chaque fois qu'elle était en compagnie d'autres créatures. La sirène tentait de ne rien montrer de ses faiblesses ou de ses peurs, elle devait se montrer forte et donner l'impression d'être sûre d'elle.

Les intentions de l'homme étaient claires, il voulait la tuer. Alors, elle n'avait d'autres choix. Seules trois possibilités s'offraient à elle : mourir, tuer ou mettre en fuite. Il ne tenait plus qu'à elle de bien jouer pour ne pas mourir. « Tu comptais me tuer dans le dos ? La lâcheté est propre à ton espèce ou tu es un spécimen à part ? » siffla la sirène, tentant de garder la tête haute et une voix posée, ne montrant aucune peur. Inutile de faire semblant de ne pas comprendre l'attaque, ce ne serait que perte de temps. « Je vais te donner un conseil : fuis. » reprit Astéria, tentant de se montrer menaçante, elle qui ne jouait qu'à la douce et inoffensive créature habituellement. « Fuis ou je te tue cette fois-ci. » Elle lui proposait un ultimatum, à lui de saisir cette chance et elle espérait sincèrement qu'il la saisirait parce qu'elle ignorait combien de temps elle allait être capable de contrôler sa peur. Pourtant quelque chose lui disait qu'il n'était pas le genre à abandonner et que pour sa survie, pour la première fois, Astéria allait devoir se battre.

Astéria avait peur, mais elle se battrait. Si la sirène se nourrissait de créatures pour s'assurer l'immortalité, elle n'était pas le genre à aimer se battre. Au contraire, sauf lorsqu'elle devait se nourrir, elle était une personne calme et douce. Les conflits, ce n'était pas pour elle. Sauf que, parfois, les choses arrivaient et il n'y avait pas d'autres choix que de devenir ce que l'on aimait pas. La sirène ne pouvait pas fuir et ne pouvait pas refuser le combat, ce serait signer son arrêt de mort. Alors même si elle n'avait aucun pouvoir pour l'attaquer de loin et même si elle n'avait aucune connaissance en combat, elle allait se battre et se battrait jusqu'au bout, ne renonçant pas avant d'en avoir fini avec l'elfe. Une chose était certaine à ses yeux, déjà, cet homme était un lâche. Il s'était attaqué à elle alors qu'elle était vulnérable et de dos. Cela en disait long sur ses capacités et elle supposait que ce comportement caché un être incapable de se battre ou se défendre réellement. Elle le souhaitait de tout coeur en tout cas.

La créature se mit alors en mouvement. Les yeux d'Astéria tentèrent de le suivre et de déceler le moindre signe d'attaque. Il ne répondait pas à ses attaques verbales, ni à ses menaces. Il avait pris sa décision et fait son choix. Il refusait la fuite pour combattre et risquer la mort. La sirène aurait aimé ne pas être seule, ne pas avoir accompagné sa soeur pour une fois ou voir d'autres créatures arriver et la défendre. Mais elle restait réaliste, elle était la seule à pouvoir se sauver et se protéger. Le coeur de la sirène battait bien trop vite, sa respiration s’accélérait également et ses yeux fixèrent les flèches qu'il envoyait une à une, sans lui laisser de répits. Astéria évita la première et la deuxième en tentant de s'éloigner, mais n'eut pas le temps de venir voir la troisième qui lui frôla l'épaule, ni même la quatrième qui vint la blesser au bras. Les hostilités étaient définitivement lancées. La sirène devait se défendre maintenant.

Astéria essayait de réfléchir à toute vitesse. Elle n'avait pas beaucoup de possibilités qui s'offraient à elle. D'abord, elle pouvait fuir. Mais fuir voulait dire tourner le dos à la créature, ne pas pouvoir éviter ses tirs et être plus vulnérable que jamais. Il la toucherait sans doute et en finirait avec elle en quelques secondes. Même si elle aurait largement préféré cette possibilité, elle ne pouvait la choisir. Ensuite, elle pouvait tenter de se cacher, mais où ? Et comment ? Enfin, elle pouvait le surprendre en se jetant sur lui plutôt qu'en fuyant. C'était risqué, mais c'était aussi le seul moyen qu'elle avait pour le blesser et utiliser ses dons. La sirène n'était pas armée comme lui, sa seule arme était une petite dague bien cachée dans le fond du sac en tissu qu'elle portait. Mais pour l'utiliser, il fallait être proche de lui. Dans tous les cas, en combat éloigné, elle ne pouvait rien faire. En combat rapproché, sans doute aurait-elle plus de chance, même si cela représentait des risques pour elle également. Alors sans trop réfléchir, la sirène se mit à chanter, prête à l'ensorceler, ignorant les bouchons qu'il portait pour se protéger de son pouvoir. Tout en chantant, la sirène se dirigeait droit vers lui, elle lui fonçait littéralement dessus, prête à éviter une nouvelle attaque et à se jeter sur le côté s'il le fallait. Astéria n'avait plus qu'à espérer que son chant ait de l'effet ou que le fait qu'elle tente de se jeter sur lui soit une surprise suffisante pour le déconcentrer.

Astéria aurait aimé éviter cette confrontation. Elle risquait clairement sa vie. Elle était désavantagée si le combat se passait à distance. Elle n'avait pas d'arme utile à distance, ni même de réels pouvoirs pour ce type de combat. Elle n'avait jamais autant regretté de ne pas posséder les dons que d'autres possédaient : la force décuplée, des pouvoirs permettant de contrôler le feu, le vent... Tous les pouvoirs qui auraient pu lui assurer une victoire facile. Sa seule chance était que les elfes étaient tout autant dépourvu de ce genre de dons. Ou presque. Chaque elfe développait un don personnel et Astéria ignorait celui de son adversaire. Peut-être alors avait-il un pouvoir qui permettrait à cet homme d'achever Astéria en un instant ? Alors elle jouait avec ses propres moyens. La sirène prit rapidement la décision de foncer sur l'homme, espérant un effet de surprise parce qu'il imaginerait que la jeune femme fuirait. Elle se mit également à chanter, espérant utiliser son don pour l'ensorceler et le rendre inoffensif. La sirène oubliait la douleur que provoquait la blessure faite par les flèches, se concentrant sur sa course, son attaque et son chant.

Son chant ne faisait aucun effet. Ce n'était pas la première fois que ça arrivait, mais ce n'était vraiment pas le bon moment pour que son don la lâche ! Ou peut-être avait-il trouvé un moyen de s'en protéger ? Mais si son chant ne fonctionnait pas, une bonne chose arriva tout de même : l'homme fut déconcentré. Il suffisait de l'observer pour le remarquer, il était tremblant et ses gestes n'étaient plus aussi assurés qu'il y a quelques minutes. C'était un avantage que la sirène devait saisir. Sa dague désormais dans la main, la sirène lui enfonça dans la jambe. Elle l'avait blessé. Un nouveau bon point pour elle. Elle reprit alors son souffle, restant sur ses gardes pour éviter toute éventuelle riposte tandis que l'homme trébucha et l'insulta. Elle ne prêtait pas la moindre attention à ces dernières, ne cherchant pas à lui répondre, trop concentré à garder la vie sauve.

La sirène voulut profiter de l'instant pour se jeter sur lui et le mordre, mais il se poussa à temps, avant même que la sirène ne puisse réagir. Il sortit alors deux couteaux, ce qui fit reculer la sirène d'un pas. Elle avait réussi à le blesser, sans doute aurait-elle dû tenter de lui enfoncer ce couteau dans le coeur ou dans le ventre, pour l'achever plus rapidement. Astéria ne sut comment réagir lorsque l'homme se redressa, hurlant et l'attaquant en même temps. Elle ne pouvait empêcher les deux attaques, elle n'avait pas vraiment de force alors il lui était impossible de retenir les deux coups. Elle aurait pu reculer également, mais quelque chose lui soufflait qu'elle n'avait pas assez de temps. Elle stoppa alors le bras droit de son adversaire, tentant tant bien que mal de le maintenir loin d'elle, en l'air, à l'aide de ses deux mains, lâchant au passage son propre couteau. Mais pendant ce temps - ou juste avant, peut-être ne ressentait-elle la douleur que maintenant ? - son autre couteau était libre de venir la frapper sur le flanc, lui faisant ainsi pousser un cri de douleur. Si la douleur était forte, la sirène usait de toutes ses forces pour maintenir loin d'elle cet autre bras qui tentait de la frapper en plein coeur. Au bout d'un instant, elle se décida néanmoins à retirer l'une de ses mains du bras de l'homme pour venir la poser sur le visage de ce dernier. Si elle le touchait suffisamment longtemps, elle pourrait l'affaiblir, ne serait-ce qu'un peu, en aspirant un peu de son énergie vitale. Alors malgré les difficultés, même si l'homme n'était pas immobile comme elle l'aurait aimé, même si elle avait mal, elle devait tenter de garder sa main sur son visage, tenter d'aspirer sa vie. « Arrête ou je te tue ! » lança-t-elle une nouvelle fois, espérant le voir abandonner et fuir, même si elle n'y croyait pas une seule seconde elle-même. Sauf qu'elle ignorait comment ce combat se finirait et que ça l'effrayait. Elle n'était pas une combattante, tout ça, ce n'était pas elle et voir la mort de si près, ça lui faisait peur.

Même blessé, l'homme reste debout. Astéria tente de retenir un coup, qui l'aurait sans doute touché en plein coeur. Ses deux bras tiennent ce bras qui garde encore trop de force. Mais trop concentrée à arrêter ce coup, la sirène reçut l'autre couteau en plein flanc. Coup qui lui fait pousser un cri de douleur, mais qui ne l'empêche pas de concentrer toute sa force restante sur l'autre bras de l'homme. Elle ne veut pas mourir. Peut-être le mérite-t-elle, mais elle ne le veut pas. Pas comme ça.

La douleur est insupportable, elle a perdu de ses forces, mais elle résiste tant bien que mal. L'elfe n'en reste pas là, non content de l'avoir déjà blessé, il revient à la charge en tentant de lui faire plus mal encore, en la frappant, là où elle est déjà blessée. Le couteau toujours dans la plaie, la sirène met alors toutes ses forces restantes dans son prochain coup. Elle lâche d'une main le premier bras de l'homme - celui qu'elle maintenait en l'air - pour lui attraper le visage. Il faut qu'elle l'affaiblisse plus qu'il ne l'est déjà. C'est sa seule chance. Ce n'est pas une chose aisée, mais sa main réussit à trouver le visage de l'elfe. Il lui faut maintenant un contact suffisamment long pour l'affaiblir. Et ça semble fonctionner. L'homme semble déstabilisé. Mauvais souvenirs remontant à la surface ? Certainement et elle peut en jouer. Sauf que la sirène ne se sent pas à l'aise, elle sent qu'à tout moment, il peut reprendre le dessus alors elle lui lance un ultimatum. Oui, ce n'est pas une combattante. Non, elle ne veut pas mourir. Pourtant, elle sait très bien qu'elle ne pourra pas le laisser repartir ainsi, aussi simplement qu'il était venu, malgré sa proposition. Il est un danger désormais et le laisser en vie, c'est risquer sa propre vie à chaque sortie hors de l'océan. Et ça, elle ne peut pas le permettre.

Elle ne comprend pas ce qui lui arrive ensuite. Nouveaux mouvements, nouveau coup. Tout ce qu'elle retient, c'est qu'il réussit à se dégager de la prise d'Astéria. Mais l'homme se recule et tombe à moitié, donnant une position plus avantageuse à la sirène. La seule chose qui empêche alors Astéria de se jeter sur lui pour le tuer, c'est qu'il pointe son couteau en sa direction. Se jeter sur lui reviendrait à s'empaler sur la lame qu'il tient entre ses mains.

La sirène, dans un geste rapide et irréfléchi, retire la lame qui est toujours dans la plaie, lui faisant pousser des grognements de douleur. Ce couteau est désormais son seul moyen de défense, ayant perdu sa dague dans le combat. Alors elle pointe ce couteau ensanglanté vers l'elfe. Elle a mal, elle est faible, mais elle ne compte pas lui tourner le dos et fuir. Le risque est trop grand. Elle le sait. Même si elle n'aime pas ça, elle doit se battre et le tuer. Ou lui passer l'envie de recommencer. Alors elle appuie sa main libre sur sa plaie qui saigne beaucoup trop comme si cela allait stopper la douleur. En d'autres circonstances, sans doute ne tiendrait-elle plus debout. Les larmes envahissent ses yeux, mais elle se refuse à montrer sa douleur plus que ça. Elle se refuse à lui donner ce plaisir.

Le regard de la sirène ne quitte plus celui du monstre, elle cherche à voir n'importe quel coup arriver. Parce qu'il va attaquer, selon elle. Pourtant, il choisit de répondre à son ultimatum et sa question la surprend. Cet elfe n'est qu'un idiot. Le couteau toujours pointé vers lui, elle ne tente rien pour le moment. Elle doit retrouver son souffle et attendre - inutilement - que la douleur diminue. « Si j'avais voulu te tuer la dernière fois, tu ne serais pas là à essayer de me tuer. » peste-t-elle, tentant de parler clairement et froidement. « Je ne suis pas comme toi, je ne rate pas mes proies. » référence au fait qu'il l'avait raté alors qu'il l'avait attaqué dans le dos, comme un lâche. « Lâche ce couteau ! » lui ordonne-t-elle en s'approchant légèrement, prête à frapper sa jambe blessée si besoin. Mais ce geste la met également en danger en s'approchant peut-être un peu trop de lui. Son but est simple : lui faire croire qu'il n'a plus le choix, qu'il est en position d'infériorité et que sa seule chance est de faire ce qu'elle dit, qu'elle n'a pas peur, qu'elle n'abandonnera pas... Rien qui ne soit réellement vraie, en d'autres termes. Elle veut également toujours lui faire croire qu'il a le choix. Sauf que le choix, il ne l'a pas, parce qu'elle a réalisé qu'il représentait un trop gros risque pour elle. Alors, elle le finirait, mais seulement lorsqu'il n'aurait plus ce couteau entre les mains. Pour le moment, elle n'imagine aucun moyen d'attaque sûr pour elle puisqu'elle ne pense même pas à réessayer son chant ensorcelant sur lui.

Le combat dure, trop pour la sirène qui ne possède pas une résistance élevée. Elle fatigue et les blessures n'arrangent rien. Elle se console alors en se disant que l'elfe est blessé lui-aussi, au sol pour le moment. Si elle n'est pas douée pour le combat, si elle n'a reçu aucun entraînement en particulier, elle se surprend elle-même. Elle est blessée, c'est vrai, mais elle est encore debout, elle a résisté, elle a combattu et elle a blessé. Lui à terre, elle debout, la sirène aurait pu attaquer et essayer d'en finir. Néanmoins, elle a fait un tout autre choix. Il est peut-être au sol, mais il n'est pas désarmé. Ils tiennent chacun un couteau devant eux, prêts à attaquer au moindre mouvement suspect. Astéria ne peut pas se jeter sur lui pour l'attaquer, il lui enfoncerait le couteau dans le ventre en une fraction de seconde. La sirène ne veut pas prendre ce risque. Pourtant, elle en prend un autre, peut-être plus stupide encore. Après lui avoir assuré que lors de leur première rencontre, elle n'avait jamais eu l'intention de le tuer, elle s'approche de lui et lui ordonne de lâcher son couteau. Astéria veut lui faire croire qu'il peut encore s'en sortir, qu'il va s'en sortir s'il lâche ce couteau. A la place, l'homme profite de ce rapprochement pour lui donner un coup de pied dans la jambe. Tandis que la sirène peste de douleur et recule d'un pas, il en profite pour se relever, lentement et en grognant.

Si Astéria a baissé sa garde un instant, elle tend de nouveau le bras devant elle, armée de son couteau. Elle tente d'oublier la douleur que provoque la blessure sur son flanc, elle tente d'oublier à quel point tout son corps est douloureux. La douleur ne serait qu'un frein pour elle, un danger. Elle doit puiser dans toutes les forces qui lui restent pour espérer s'en sortir. L'homme parle, mais elle ne fait pas attention. Il l'insulte sans doute, mais elle ne comprend rien et elle n'a pas le temps pour jouer à ce petit jeu. La jeune femme se console en se disant qu'il a l'air bien blessé, qu'il peine à tenir sur sa jambe.

Astéria reste silencieuse, elle observe, se tient prête à parer une attaque. Elle ne sait pas quoi faire, elle n'ose pas bouger de peur de faire le mauvais choix. Au sol, il représentait un danger moindre. Debout, il est plus dangereux pour elle. Plutôt que d'attaquer, comme elle s'y attend, il crache au sol, entre-eux. Elle ne s'en étonne pas, elle a bien compris ce qu'il pense d'elle. Elle se contente de garder son regard posé sur lui, attendant la suite. L'attente est trop longue, difficile à supporter. Une fois encore, plutôt qu'attaquer, il décide de parler. Il lui explique ce qu'elle est, qui elle est. Le prédateur. Il a raison, elle ne peut le nier, mais elle n'aime pas l'entendre. Elle n'aime pas ce qu'elle est, elle n'aime pas ce qu'elle fait. Alors l'entendre dire réveille en elle plus de rage et de colère encore. « La seule chose que tu viens faire, c'est de te condamner. » Réplique-t-elle, gardant suffisamment de calme pour ne pas bouger. Pas encore. Il lui faut attendre le moment idéal.

Elle lui assure que la première fois, elle n'a pas eu l'intention de le tuer, mais il ne la croit pas. Il se persuade que ses amis lui ont sauvé la vie. Si ça peut lui faire plaisir de le croire, elle n'ajoute rien. Il mourrait au moins avec la sensation d'avoir des gens qui l'avaient suffisamment aimé pour l'aider. Au fond, désormais, ça n'a plus aucune importance puisqu'aujourd'hui, elle a bel et bien l'intention d'en finir avec lui. Et c'est totalement mérité. « Tu n'es qu'un minable petit elfe prétentieux qui pense que son espèce vaut mieux que les autres. » Au fond, Astéria pense la même chose des sirènes, mais là n'est pas la question. « Si je t'ai attaqué la première fois, il y avait une raison. Contrairement à ce que tu imagines, tu n'es pas quelqu'un de bien, tu ne vaux pas mieux que moi. Tu prends plaisir à maltraiter tes semblables alors, tu as raison, avec des personnes de ton genre, je me sers sans me soucier des conséquences. » crache-t-elle avant de se jeter sur lui, de manière totalement irréfléchie - parce qu'il l'a mise plus qu'en colère en comprenant qui elle est - dans l'espoir de lui enfoncer son couteau dans le ventre, oubliant ses propres douleurs. Il semble déjà si faible avec sa jambe, si elle peut l'achever, elle lui rendra ce service avec un plaisir immense.